• Conférence : Nous ne sommes plus seuls au monde par Bertrand Badie

     • Publié le 14 juin 2016 • Rubrique(s) Actualités de l'Union europénne, Actualités de la Maison de l'Europe, Les temps forts

     Le lundi 13 juin, la Maison de l’Europe recevait pour son Assemblée Générale ordinaire Bertrand BADIE, Professeur de science politique et spécialiste des relations internationales, retour sur les échanges qui ont eu lieu à l’espace Ouest-France.

    « On ne peut pas raser la tête de quelqu’un en son absence ». C’est par ce proverbe malien que Bertrand Badie a commencé son intervention et son évocation de ce qui semble plus que jamais essentiel aujourd’hui : la nécessité de penser l’altérité.

    Les européens, inventeurs des relations internationales telles qu’elles sont encore conçues aujourd’hui, sont confrontés à cet enjeu qui se matérialise dans la remise en cause d’un entre soi de certains Etats et d’un blocage annonçant l’étiolement du projet européen actuellement.

    Une histoire particulière du continent européen

    Au cours d’un rappel historique sur la formation de l’Etat moderne découlant des écrits du philosophe britannique Thomas Hobbes, Bertrand Badie a rappelé la particularité de l’Europe : elle est en effet la seule région dans l’histoire du monde qui est constituée par une juxtaposition d’unités territoriales souveraines.

    Ce lien qui uni les différents territoires dès 1648 avec le Traité de Westphalie, est renforcé par le Congrès de Vienne de 1815, concertation des monarques qu’il considère comme l’ancêtre du G7.  Malgré cela, ce système est une anomalie dans l’histoire mondiale où l’Etat est fortement corrélé à la notion de guerre, qui est, même en Europe et ce jusqu’en 1945, le mode de fonctionnement normal des relations internationales et de l’actualisation des rapports de force. Si l’Europe a réussi à s’unifier pour neutraliser la guerre sur son territoire, elle a cependant exposé sa faiblesse à travers la colonisation et la construction d’un système de marginalisation de l’autre. La mauvaise gestion de la post-décolonisation s’est rajoutée  à cela et à seulement eu pour résultat l’effondrement des Etats ou l’installation au pouvoir de régimes extrêmement répressifs.

    Cette réflexion permet alors de comprendre les mutations de la guerre, aujourd’hui considérée comme une rivalité entre faiblesses et non plus entre puissances comme elle l’était autrefois. La guerre est aussi la conséquence de l’impossibilité de tisser un lien social qui permettrait la fondation d’un état de paix. Il s’agit alors de placer la notion de « solidarisme », développée par Léon Bourgeois, au cœur des relations internationales afin de construire une nouvelle approche de la résolution des problématiques mondiales.

    Les enjeux majeurs auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui

    Il semble que la méthode de résolution des conflits et l’ingérence utilisée par les Etats européens soit finalement un des points majeurs qui empêche aujourd’hui la gouvernance collective des problèmes globaux. L’Europe, confrontée à une paralysie de sa diplomatie commune depuis 2003, est un projet qui a suscité un grand espoir et qui doit aujourd’hui se renouveler pour s’adapter aux enjeux contemporains. En effet, il ne s’agit plus d’empêcher la guerre entre les Etats membres mais bien de définir ce qu’est l’espace européen pour qu’il s’intègre dans la mondialisation.

    Selon Bertrand Badie, il est indispensable que l’Europe se reconstruise par rapport aux autres dans l’optique de participer à la gouvernance des phénomènes de mondialité, et notamment du phénomène migratoire. Dans l’état actuel d’interdépendance entre les Etats, ils se doivent d’adopter une approche « solidariste » et ainsi mettre à profit ces évolutions et ce que peut apporter une résolution mutuelle des problèmes. Il est cependant possible que ce système ne puisse pas fonctionner à 28 ; il faudra alors une mobilisation particulière de certains Etats pour montrer l’exemple et trouver des solutions bénéfiques à tous.

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