Épisode 2/3 : L’eau : de la pêche au robinet, pour une politique européenne multidirectionnelle
• Publié le 3 juin 2021 • Rubrique(s) Actualités de l'Union europénne, Actualités de la Maison de l'Europe, MDE
Épisode 2/3 : L’eau : de la pêche au robinet, pour une politique européenne multidirectionnelle
Dans ce deuxième épisode de notre feuilleton, nous aborderons la question de l’eau. L’eau constitue un enjeu fondamental dans le monde comme dans l’Union européenne, tant pour la consommation courante que en tant qu’espace concentrant des ressources. Entre la mer et les cours d’eau douce, entre les stations d’épuration et le robinet, comment l’Union européenne légifère et pourrait légiférer sur ce bien commun indispensable aux humains comme aux écosystèmes ?
Les trois épithètes nécessaires de la pêche : durable, équitable, respectueuse
La pêche est en Europe, une compétence exclusive de l’UE, seule cette dernière peut légiférer dans ce domaine, sauf si un État obtient une délégation de compétence (pour appliquer un règlement le plus souvent) de la part de la Commission européenne dans ce domaine. Depuis les années 70, l’UE légifère sur la pêche mais seulement pour délimiter les espaces halieutiques de chaque État-membre, dans un premier temps. Les années 80 signent le début véritable de la PCP (Politique Commune de la Pêche) et ainsi un 1er règlement voit le jour pour quantifier les stocks de poissons et fixer des quotas. Car si la mer n’est pas (encore) vidée de ses poissons par la pollution, elle l’est par la surpêche industrielle. La réforme de 2002 de la PCP va dans ce sens et interdit les filets trop peu sélectifs, interdit l’accès aux zones de reproductions ou encore diminue la flotte européenne par l’octroi d’aides. Enfin, la dernière réforme de la PCP date de 2013. Elle consacre la fin de la surpêche « là où c’est possible » selon cette formule du Conseil de l’Union européenne ainsi que la réduction des rejets (rejets en mer des poissons qui ne font pas la maille, la taille minimale règlementaire) car la plupart des poissons rejetés après capture meurent.
Dernière étape en date, l’interdiction de la pêche à impulsions électrique par un règlement de 2019, pêche dont les effets à long terme sont inconnus pour la biodiversité, si ce n’est l’augmentation des prises qu’elle a entrainé quand elle a été mise en place à titre expérimental en 2014, donc un épuisement de stocks à terme.
Le problème, c’est que la formule du Conseil de l’Union européenne (« là où c’est possible ») manque cruellement de consistance juridique, là où le Parlement veut son interdiction pure et simple (même si cela demande un travail de définition de ce qui est de la surpêche ou non). De plus, le Parlement demande également non pas une réduction des rejets mais leur interdiction afin de ne pas créer de la mortalité supplémentaire et pour que ces poissons servent dans l’alimentation animale par exemple.
Une autre solution, qui est celle préconisée depuis 2019 et qui devrait être appliquée sur la période 2021-2027, est celle de la réintroduction des subventions. La PCP subventionnerait le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (le FEAMP) qui lui-même subventionne les pêcheurs et industries qui vivent de la pêche. Ces subventions, à hauteur de 6 milliards d’euros pour la période 2021-2027, pourraient ainsi permettre aux pêcheurs de vivre tout en pêchant moins afin de reconstituer les stocks qui s’amenuisent. Associées au RMD (Rendement Maximal Durable, c’est-à-dire ne pas pêcher plus que ce qui est produit en une année par un stock de poisson), ces subventions sont absolument nécessaires pour garantir la pérennité des stocks de poissons et avec elle, celle du niveau de vie des pêcheurs et de la biodiversité marine.
Claire comme de l’eau de roche : nitrates et « substances prioritaires »
En 2000, la directive-cadre sur l’eau (DCE) est adoptée. Elle vise à instaurer une politique commune dans le domaine de l’eau, afin d’y réduire la pollution et d’améliorer l’état des écosystèmes humides. Elle est complétée par beaucoup d’autres directives, notamment en 2020 avec la directive européenne sur l’eau potable. Ces textes régissent précisément des niveaux de substance chimiques à ne pas dépasser dans l’eau, qu’elle soit destinée à la baignade ou à la consommation. Cette directive impose 31 points de contrôles de paramètres chimiques ainsi que 18 points de contrôles de paramètres dit « indicateurs » comme la couleur, le goût ou la concentration en ions hydrogène (pH) de l’eau. D’une manière générale, il existe 4 grandes menaces pour la qualité de l’eau du robinet : le niveau de nitrates (NO3) issus des engrais dit « azotés » (responsable entre autre de la prolifération d’algues vertes) ; le niveau de plomb, le niveau de pesticides et la radioactivité de l’eau.
©DCE Fréquence de contrôle de l’eau en fonction du volume distribué
Cependant, lors de la révision de ce texte impulsée par les citoyens de l’Union européenne grâce à une ICE (Initiative Citoyenne Européenne) appelée « Right2Water » qui a récolté près de 2 millions de signatures, elle n’a été finalement que faiblement transposée dans un texte du Conseil de l’Union européenne réunissant les ministres de l’environnement. L’ICE qui avait consacré un « droit à l’eau et à l’assainissement » tel que l’ONU le consacre, n’a été repris que dans des termes très généraux par le Conseil. Ainsi le texte consacre un droit à l’eau et à l’assainissement, sans plus de précision.
Or, lorsqu’une disposition d’un texte est abordée seulement en des termes généraux et sans instruments législatifs et exécutifs pour l’accompagner, il est quasi-impossible que ce droit soit appliqué concrètement. Pour obliger la Commission à appliquer ce principe de droit à l’eau, il pourrait alors être intéressant de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne, pour que les magistrats européens consacrent ce principe mais en lui donnant la possibilité d’être appliqué par des dispositions claires.
En attendant, toujours 11% de la population européenne est en proie à des pénuries d’eau, soit près de 47 millions de personnes, ce qui n’ira pas en s’arrangeant en raison de la hausse des températures due au réchauffement climatique.
Si l’eau est précieuse, les actions politiques pour la préserver le sont tout autant.