• Comment résister pour rester humain ?

     • Publié le 14 décembre 2023 • Rubrique(s) MDE

    C’est dans une ambiance calme et détendue, loin des bombardements incessants qui pleuvent sur l’Ukraine depuis presque 2 ans, que l’émérite philosophe Constantin Sigov, est venu présenter son ouvrage, “Le courage de l’Ukraine” à l’espace Ouest France. Cette conférence, coorganisée par la Maison de l’Europe de Rennes fut l’occasion pour le directeur du centre européen de l’université Mohyla de Kiev de nous alerter sur ce qui se joue actuellement en Ukraine : le sort de l’Europe et la victoire de l’humanité sur la barbarie.

    Comment résister pour rester humain ? Qu’est-ce qui se joue pour l’humanité en Ukraine ?

     Il nous faut résister à la haine, à la violence, à la guerre, à tous ce qui défigurent les rapports humains”, Constantin Sigov. Ses propos ont débuté par un émouvant rappel de la “Lettre de Kiev”, lettre introduisant son oeuvre « Le Courage de l’Ukraine » et directement adressée aux français. Il y retranscrit la faculté à s’arracher de la servitude et que celle-ci demeure possible “tant que nous sommes appelés de façon humaine, tant que le “tu” l’emporte sur le “il””. S’il souligne la résistance héroïque menée par l’armée ukrainienne sur le front, il ne néglige pas pour autant l’importance des civils qu’il incite, en reprenant les paroles de Kant, à “Parler comme si tu étais le dernier”. Son œuvre insiste particulièrement sur la force et la solidarité de la société civile ukrainienne.

    Pour Sigov, dénoncer la barbarie, c’est également œuvrer pour restituer la dignité des victimes, individuellement, de chacune d’elles. En ce sens, il a témoigné de la tragédie du village de Iahidne où les habitants ont été séquestrés dans le sous-sol d’une école durant 28 jours avec un demi-mètre carré de surface de vie par personne (170 mètres carrés pour 368 civils dont 70 enfants). Assis sur le sol d’une cave non chauffée et privés de nourriture pendant plusieurs jours, 10 citoyens ukrainiens – 10 êtres humains – sont décédés entre le 5 et le 30 mars 2023 de ces conditions de détention inhumaines imposées par l’armée russe. Cependant, la coopération des Occidentaux afin de déterminer l’exactitude des crimes commis et permettant de restituer la dignité de chacune des victimes a été chaleureusement saluée.

    Tirer les leçons de l’Histoire et continuer à avancer

    Constantin Sigov établit un parallèle entre la situation actuelle de l’Ukraine et le totalitarisme soviétique qui a enseveli le peuple russe au siècle dernier. Il mentionne le lent dégagement idéologique et politique qui s’est opéré en Ukraine depuis une décennie pour sortir des ornières du soviétisme. Il évoque l’événement charnière qui a marqué le début de cette transition : la révolution de Maïdan du 21 novembre 2013 qui a regroupé plus d’1 million d’ukrainiens dans les rues de Kiev. Ayant personnellement participé à cette révolution, Constantin Sigov dénote à quel point depuis ce jour est gravé l’idée que, contre tout, le peuple ukrainien ne souhaite plus jamais revenir en arrière ; à quel point il ne plus jamais revenir à la nostalgie du soviétisme et à ses dérives totalitaires. A cet égard, un vibrant hommage a été rendu au scientifique et théologien, héros ukrainien, décédé en février 2023, Ihor Kozlovskyi : “Vivre à l’époque d’Ihor Kozlovskyi est un espoir pour la pensée humaine face à la période sombre dans laquelle nous sommes”.

    L’Ukraine et l’Union européenne : un avenir commun ?

     Enfin, abordant l’avenir de l’Europe et l’entrée de l’Ukraine au sein de l’Union Européenne, Constantin Sigov a évoqué la “libération de l’Europe de l’Est” de l’influence Russe et estime que celle-ci sera un tournant aussi décisif que la chute du mur de Berlin. Il argue que le chemin des peuples européens ne peut être que celui “d’une Europe unie, celui de l’Union européenne, de la démocratie et des valeurs qui sont les siennes”. La démocratie doit être forte, il faut nous réarmer civiquement” : l’Europe dispose selon lui “des vertus et valeurs nécessaires afin de surmonter les fractures qui divisent nos sociétés.”

     

    Article proposé par Alexis Gardelle

     

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