• Stéphane Leneuf : « J’ai été un défricheur de l’Europe sur les ondes »

     • Publié le 6 octobre 2023 • Rubrique(s) MDE


    S LeneufAvec sa chronique « Café Europe » le dimanche matin sur France Inter, Stéphane Leneuf, continue son chemin de journaliste européen. Une aventure qu’il a commencée à Strasbourg comme correspondant au Parlement européen en 1992. Son credo : expliquer l’Europe aux auditeurs.

    En 1992, peu de temps après avoir rejoint Radio France, vous êtes nommé correspondant au Parlement européen et assez vite, vous rajoutez une deuxième corde à votre arc européen en créant « L’Europe au quotidien » sur France Info. Pourquoi ce choix d’Europe dès le début de votre carrière ?

    C’est un choix personnel. J’ai toujours eu des convictions européennes très profondes. Je venais, en effet, d’être intégré à Radio France quand Ivan Levaï (alors directeur de l’information à Radio France, ndlr) a créé le poste. C’était le premier poste de journaliste européen qui s’ouvrait à la Maison de la radio. Rattaché à Radio France Alsace à Strasbourg, mon travail consistait, pour l’ensemble des radios du groupe, à couvrir l’actualité du Parlement européen, mais également celle du Conseil de l’Europe, où se faisaient beaucoup de médiations au moment de la guerre en Ex-Yougoslavie. Pendant cette période, j’ai effectivement aussi créé « L’Europe au quotidien », une chronique hebdomadaire sur France Info pour faire de la didactique et de la pédagogie sur l’Europe car, à l’époque, personne n’en parlait. Il n’y avait aucune émission européenne. J’ai été un défricheur de l’Europe sur les ondes nationales.

    Pendant quelques années vous lui avez quand même fait quelques infidélités…

    Oui, en 1996 je suis revenu à Paris comme grand reporter au service économique ; service que j’ai ensuite dirigé. J’ai donc laissé tomber l’Europe. Mais en 2009, quand Philippe Val est arrivé à France Inter (comme directeur général, ndlr), je lui ai proposé de faire une émission européenne parce qu’on ne parlait toujours pas du Parlement et de ses élus. Pour moi c’était un non sens. On voyait apparaître les députés tous les cinq ans, à l’occasion des élections européennes et c’était tout. J’ai donc présenté une émission mensuelle interactive entre les élus et les auditeurs, « Question pour l’Europe ». Elle s’est ensuite appelée « Le téléphone sonne Europe » parce qu’elle a été intégrée au « Téléphone sonne ». Une fois par mois, en direct pendant la cession du Parlement européen, je recevais, quasiment dans l’hémicycle (car les studios sont juste à côté), des députés français ou francophones pour qu’ils répondent aux questions des auditeurs. L’émission a duré dix ans, jusqu’en 2019.

    Il restait malgré tout « Café Europe », une chronique que vous aviez lancée quelques années après et que vous présentez toujours…

    Oui, je voulais renforcer l’info européenne parce que je trouvais qu’un rendez-vous mensuel n’était pas suffisant. J’ai donc proposé, en 2015, une chronique hebdomadaire sur tout ce qui se fait dans l’Union, au Parlement, à la Commission, avec les Etats, autrement dit sur tous les grands dossiers qui passent à Bruxelles.

    Comment vous partagez-vous le travail avec Angélique Bouin, la correspondante de Radio France à Bruxelles ?

    Angélique Bouin suit l’actualité chaude de l’UE. De mon côté, je m’intéresse plutôt à des sujets, également importants parce que ce sont des rapports parlementaires ou des propositions de directives, mais pas immédiatement ou forcément traités ailleurs. L’idée est, là aussi, de faire de la pédagogie. Si telle décision était prise, quelles seraient les répercussions sur le droit européen ? Quelles seraient les conséquences sur la vie quotidienne des gens ? Par exemple, la Commission souhaiterait supprimer les stages étudiants non rémunérés. C’est un sujet que je peux d’abord traiter en brève mais sur lequel je peux revenir avec un invité, souvent un député, lors d’une prochaine chronique.

    Pourquoi « Café Europe » ? Un titre léger pour une information sérieuse…

    « Café Europe », c’est une chronique de 4 minutes à 7h10 le dimanche matin ; ce qui est la norme sur un module de matinale de deux heures. Avec ce type de format, je ne voulais pas d’un rendez-vous trop institutionnel, trop lourd. L’info européenne, on peut la boire comme un café !

    Il semble que la boisson plaise puisque cela fait huit ans que vous la servez…

    « Café Europe » réunit 900000 auditeurs ; ce qui est énorme pour un dimanche matin. Et c’est un chiffre à peu près stable depuis 2015.

    Considérez-vous que Radio France en fait assez en matière d’information européenne ?

    On en fait beaucoup au moment des élections et on traite bien l’actualité chaude quand il y a des Conseils européens importants. Là, on fait bien le job. Le problème c’est qu’entre deux élections, on n’en parle plus, comme s’il n’y avait plus rien. Du coup, il y a toujours une méconnaissance de ce qui se passe à Bruxelles. C’est tellement nébuleux, tellement lointain. Il y aurait donc matière à faire une belle émission européenne. Mais les directions successives n’en veulent pas. Pourtant les Français s’intéressent à l’Europe. Ils sont en attente d’informations pratiques. Ce qu’ils veulent, c’est qu’on leur explique les choses au quotidien. Et ça, on ne le fait pas assez.

    Cela vous déçoit ?

    Par manque d’informations certains pensent toujours que « c’est la faute à Bruxelles ». C’est tellement stupide alors que Bruxelles ne décide de rien puisque ce sont les Etats qui délèguent certains de leurs pouvoirs à la Commission. Le problème, c’est que c’est exploité par certains partis, comme la Nupes et le RN, qui construisent leur politique, justement sur l’ignorance ; sur leur propre ignorance et sur l’ignorance des gens. Et ça prolifère.

    Ca entame un peu votre optimisme pour l’avenir…

    En ce qui concerne l’avenir de l’UE, je reste malgré tout assez tout optimiste. Je crois qu’on a atteint un tel stade de relations entre Européens qu’on continuera. D’autant que le Brexit a démontré l’absurdité de partir. Je crois, de toute façon, qu’on n’a pas le choix. Seuls, on est trop petits. Pour être forts, il faut rester ensemble.

    Propos recueillis par Dominique Villars

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