Journée de la malbouffe : les européens et la santé alimentaire
• Publié le 21 juillet 2021 • Rubrique(s) MDE
Journée de la malbouffe : les européens et la santé alimentaire
À l’occasion de la journée de la malbouffe, la Maison de l’Europe de Rennes et Haute Bretagne vous propose un tour d’horizon des politiques de santé alimentaire dans l’Union.
Cinquième cause de mortalité mondiale selon l’OMS, l’obésité touche de plus en plus d’européens. On observe aussi une augmentation des personnes touchées par le diabète de type 2, l’hypertension, et les maladies cardiovasculaires. En bref, des maladies évitables.
Malte, la Hongrie et la Lituanie sont les pays d’Europe les plus touchés par l’obésité. La Roumanie ou encore les Pays-Bas sont parmi les meilleurs élèves de l’Union Européenne.
On estime qu’un enfant sur 3 dans l’Union Européenne est en surpoids ou obèse. Les pays du sud de l’Europe sont les plus touchés.
Tour d’horizon des mesures prises pour lutter contre la malbouffe en Europe
Longtemps la focale des politiques publiques a été mise sur le gras, or aujourd’hui c’est la consommation de sucre qui impacte le plus la santé des européens. C’est en Allemagne que la consommation de boissons sucrées est la plus importante d’Europe. Selon l’organisation de surveillance du secteur alimentaire, Foodwatch, les enfants allemands consommeraient en 224 jours la quantité de sucre sensée être ingérée en un an. Pour autant, le gouvernement n’a pas suivi le modèle français ou portugais en imposant une taxe soda.
En moyenne la TVA sur les boissons sucrées dans l’UE est de 16%. En Italie elle atteint 20%. Mais d’autres pays vont plus loin avec une taxe soda supplémentaire. La Finlande, elle, a mis en place sa première taxe sur les boissons sucrées en 1940 ! En France, depuis 2018 et l’instauration de la taxe soda, le Sprite a divisé par trois sa teneur en sucre, et il y en a 30% de moins dans un Seven Up ou un Fanta. La mesure semble donc efficace.
Sur le modèle de la taxe soda, en France, un député MoDem avait proposé en 2019 une taxe sur la charcuterie pour inciter les industriels à réduire les taux de nitrite (composant jugé très dangereux par l’OMS, responsable de cancers) dans leurs produits : « On vous donne deux ou trois ans pour évoluer dans vos pratiques. Et si vous ne le faites pas, alors on aura créé l’outil pour vous taxer fortement. » (Richard Ramos).
La lutte contre les aliments ultra-transformés est également essentielle pour lutter contre le surpoids. Les suédois par exemple, sont encouragés depuis longtemps à manger ce qu’ils trouvent dans la nature, et une véritable stratégie marketing s’est construite autour du slogan « le pays qui se mange ».
Une taxe danoise sur le gras avait été mise en place en 2011, et avait démontré ses effets : les danois ont réduit de 4 % leur consommation de graisses saturées entre octobre 2011 et janvier 2013. Malheureusement face à la pression des lobbys, le gouvernement danois l’a supprimée. C’est la Roumanie qui fait figure d’exemple dans l’UE avec sa taxe fast food en place depuis 2010.
Barbara Pompili ministre française de la Transition écologique avait proposé en 2020 d’encadrer la publicité télévisée. En effet, selon une étude de Santé Publique France en 2020, les publicités vues à la télévision sont majoritairement des publicités pour des produits de Nutri-Score D et E. Pour la protection des enfants toujours, les distributeurs de boissons sucrées, barres de chocolat et chips sont interdits depuis 2004 dans les écoles.
Quelles actions mises en place par l’Union Européenne ?
Au Parlement Européen, un inter-groupe sur l’obésité a été inauguré le 20 avril 2021 pour tirer la sonnette d’alarme : si l’obésité est reconnue à l’échelle européenne comme maladie chronique, il existe peu de mesures concrètes prises par l’UE pour s’attaquer au problème.
Il existe cependant des normes harmonisées pour la transparence des informations dans toute l’UE :
- Certaines informations doivent obligatoirement être mentionnées sur les denrées alimentaires. Il s’agit notamment du nom du produit, de la liste des ingrédients, de la quantité nette, de la date limite de consommation, du mode d’emploi si nécessaire, du nom et de l’adresse de l’exploitant et de la déclaration nutritionnelle.
- La loi impose une obligation de traçabilité en ce qui concerne la viande de la naissance de l’animal à sa consommation.
La Commission Européenne a lancé le 5 juillet 2021 un code de conduite dans le domaine de l’alimentaire, impulsé par la commissaire à la santé et la sécurité alimentaire Stella Kyriakides. Ce code vise à encourager les pratiques durables dans le secteur de l’agroalimentaire. Signé par une vingtaine d’organisations professionnelles et une quarantaine d’entreprises (Carrefour ou Barilla par exemple), il fait partie d’une stratégie plus large : Farm to Fork, dans le cadre du Green Deal. L’objectif ? Faciliter l’accès pour tous à des régimes alimentaires sains avec un objectif de réduction des prix des fruits et légumes, ou encore une cible de réduction du gaspillage alimentaire.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) produit des enquêtes scientifiques indépendantes pour la Commission.
Un étiquetage nutritionnel qui fait débat
Le 16 mars 2021 un appel de + de 300 scientifiques et professionnels de santé a été lancé pour que l’Europe adopte « dès que possible » le Nutriscore, seul logo nutritionnel européen à avoir fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Si la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, le Luxembourg et les Pays-Bas l’ont déjà adopté, il n’est cependant pas obligatoire et les pays se heurtent encore à des refus d’industriels comme Coca Cola ou Lactalis.
Nutriscore – classe les produits de A à E (la teneur en protéines, fruits, fibres augmente la note – sucre et graisses saturées font baisser la note)
On comprend donc la nécessité d’une décision européenne harmonisée sur la question. Néanmoins, elle divise les 27 et les négociations sont au point mort : les spécificités locales des régimes alimentaires poussent certains États-membres à se méfier de l’étiquetage proposé par l’Allemagne lors de sa dernière présidence du Conseil. La Suède dont le régime alimentaire contient beaucoup de céréales complètes, ou encore l’Italie et l’Espagne avec l’huile d’olive critiquent ce système qui appose de « bonnes » ou « mauvaises » notes de façon trop arbitraire selon eux.
L’Italie recommande elle son propre système, le Nutrinform, et a tout simplement quitté le débat. Soutenue par la Grèce, la Roumanie, ou encore la République Tchèque, elle est la plus farouche opposante au Nutriscore.
Toutefois, la malbouffe ou le manque d’activité physique ne suffisent pas à expliquer la montée de l’obésité en Europe, un phénomène multifactoriel. C’est aux pouvoirs publics de se dresser face aux industriels et de faire en sorte que manger sain soit accessible à tous. Face aux géants de l’alimentaire, même si la santé reste une compétence des états, il semble nécessaire de mettre en place des mesures contraignantes à l’échelle européenne. Quand à l’adoption d’un étiquetage qui aiderait les consommateurs à choisir, on en est encore loin. Dans la stratégie « De la ferme à l’assiette », la Commission visait une adoption de ce système harmonisé (et obligatoire) d’ici fin 2022. Face à la levée de bouclier actuelle, la date semble compromise.
Pour aller plus loin, découvrez l’article « L’Europe, c’est la malbouffe ! Vraiment ? » des Décodeurs de l’Europe : https://cutt.ly/jm2MnRH
Klara Le Roch, en stage à la Maison de l'Europe de Rennes et Haute Bretagne