• Rencontre avec Isabelle Coustet, chef du Bureau en France du Parlement européen

     • Publié le 3 septembre 2018 • Rubrique(s) Les temps forts, MDE, Tout sur l'Europe

    En vu des prochaines élections européennes, nous avons souhaité interroger Isabelle Coustet,  chef du Bureau en France du Parlement européen

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    Quel est le rôle d’un bureau de liaison du Parlement européen, spécifiquement celui que vous dirigez ?

    Le Parlement européen est présent dans les capitales des vingt-huit États-Membres de l’Union européenne ainsi que dans certaines capitales régionales (en France, à Paris et à Marseille). Nous facilitons les liens entre le Parlement européen et ses députés avec les pouvoirs publics nationaux et locaux, les médias et les relais associatifs tout en offrant une plate-forme de communication directe avec les députés européens. Concrètement, nous contribuons à mieux faire connaître le rôle du Parlement européen et le travail quotidien de ses députés.

    Par exemple,

    Au-delà de nos activités institutionnelles, nous organisons depuis 2015 des « dialogues législatifs » quasi mensuels, c’est-à-dire des tables rondes permettant aux députés européens, rapporteurs sur des projets de lois ou règlements européens dans des secteurs précis, d’écouter les parties prenantes en France, le plus souvent avant le vote en commission parlementaire.

    Notre service de presse répond quotidiennement aux demandes des médias français non accrédités à Bruxelles et simplifie leur accès aux députés, aux travaux du Parlement. Nous organisons de nombreuses rencontres de presse à Paris, ainsi que des séminaires à Bruxelles et Strasbourg, pour les médias mais aussi pour les écoles de journalisme.

    Le troisième volet de notre action, sans doute le plus important et le plus exigeant, est de contribuer à offrir une plate-forme de communication entre la société civile et les députés européens élus en France. Dans ce volet par exemple, nous co-organisons la journée de l’Europe à Paris, des débats et des projections de films sur des thèmes européens, et collaborons avec le dynamique réseau des centres d’information « Europe-direct » dans toute la France.

    Dans ce dernier volet, les actions dont nous sommes le plus fiers avec mon équipe sont celles concernant les jeunes. Depuis 2015, nous accompagnons dans des projets très variés portant sur la citoyenneté européenne et la mobilité les élèves et les enseignants de près de 90 lycées professionnels en France, désormais membres d’un réseau européen « Ecoles ambassadrices du Parlement européen ». Chaque année nous organisons également un concours pour faire gagner des participations à des journées de simulation parlementaire entre classes des pays de l’Union (Euroscola). Nous avons publié plusieurs numéros spéciaux dans la presse junior (« Mon Quotidien », « l’actu ») à l’occasion de la journée de l’Europe. Enfin, nous collaborons activement à la « Rencontre des jeunes européens » (European Youth Event), trois jours de débat pendant lesquels plus de 8000 jeunes refont l’Europe et apportent leurs idées, à Strasbourg tous les deux ans.

    Quels sont les enjeux des prochaines élections européennes ?

    Les prochaines élections européennes auront lieu au même moment dans toute l’Union européenne entre le 23 et le 26 mai 2019. En France, nous voterons le dimanche 26 mai. C’est le seul moment où tous les citoyens de l’Union européenne votent en même temps (à quelques jours près) et pour la même chose : élire 705 députés européens qui siègeront non pas par nationalités mais au sein de groupes politiques transnationaux pendant 5 ans à Strasbourg (actuellement il y a huit groupes politiques).

     

    Quelques mots sur le mode d’emploi :

    Le nombre de députés élus en Europe a été réduit par rapport aux 751 sièges à pourvoir en 2014. En effet, avec l’entrée en vigueur du Brexit en mars 2019, il n’y aura plus de députés britanniques. L’Union européenne a profité de l’occasion pour rééquilibrer la composition du Parlement européen et allouer des sièges supplémentaires à huit États membres, qui étaient sous-représentés démographiquement. C’est le cas de la France, qui sera représentée par 79 députés, soit 5 de plus que pour la législature 2014-2019.

    En France, le mode de scrutin prévoit un changement important : le pays ne sera plus découpé en huit circonscriptions régionales comme entre 2003 et 2014, mais formera une circonscription unique. Une liste de candidats sera présentée par chaque parti pour l’ensemble du territoire français, et chaque citoyen aura la possibilité de donner sa voix à la liste de son choix. A l’issue du scrutin, les partis ayant obtenu plus de 5% des suffrages bénéficieront d’un nombre de sièges proportionnel à leur nombre de voix. A l’issue des élections, les députés élus peuvent rejoindre ou créer un groupe politique au niveau européen.

     

    Les principaux enjeux :

    Ces élections européennes sont sans doute les plus importantes de l’histoire de l’Union européenne. Le contexte mondial (élection de Donald Trump, relations avec la Russie de Vladimir Poutine, terrorisme, conséquences du changement climatique) ainsi que le contexte européen lui-même (Brexit, élections nationales de gouvernements se déclarant anti-européens) ont évolué de façon complexe et contradictoire par rapport à celui des dernières élections de 2014. Ces élections sont l’occasion de prendre le pouls des citoyens européens sur la direction que doit prendre l’action de l’Union européenne face à des problèmes désormais posés au niveau mondial.

    Très concrètement :

    • Le Parlement européen est un législateur à part entière, qui débat, amende et vote les projets de lois et règlements européens à égalité avec les gouvernements des États-Membres au Conseil. Cela signifie que les futurs députés européens et les ou la majorité(s) politique(s) qu’ils formeront à Strasbourg seront en charge des choix législatifs européens de 2019 à 2024 (de la réforme du système européen de l’asile à la lutte contre l’évasion fiscale en passant par la mise en œuvre des accords de Paris sur la changement climatique ou l’adoption de règles essentielles sur le numérique). Les députés décident également du budget annuel de l’Union et leurs choix budgétaires influencent directement l’impact de politiques ou programmes communautaires comme Erasmus+ ou la politique de cohésion. Le Parlement européen peut aussi opposer un veto dans des domaines tels que l’adhésion d’un nouvel État-Membre de l’Union, ou la signature d’accords internationaux. Cette dernière situation s’est par exemple produite en 2012, lorsque le Parlement a refusé la signature de l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA), un traité international vivement critiqué par les défenseurs des libertés numériques.

    En bref, si le fonctionnement du Parlement européen peut paraître complexe au premier abord, il est en réalité très proche de celui des parlements nationaux et ses pouvoirs sont sans doute plus développés que ceux du Parlement français sur le plan de l’adoption des lois et du contrôle du pouvoir exécutif.

    Le Parlement européen est aussi une force de proposition sur le modèle européen lui-même. Il a toujours été à l’origine de réflexions sur l’avenir de l’Union. Aujourd’hui encore il a mis sur la table des solutions pour réformer la gouvernance de la zone euro et simplifier la prise de décision européenne.

    • Les élections européennes marquent le début d’un cycle de renouvellement démocratique des Institutions européennes. En effet, le Président de la future Commission européenne, dont le mandat est également de cinq ans, doit être, selon les traités, issu de la majorité politique qui emportera les élections au niveau européen. C’est le Parlement européen sorti des urnes de mai 2019 qui élira le Président de la nouvelle Commission européenne et investira ses membres, puis exercera un contrôle politique de son action tout au long du mandat. En 2014, les partis politiques européens avaient pendant leur campagne désigné chacun un candidat au poste de Président de la Commission (processus des candidats « têtes de listes »). Le Parlement européen actuel a réitéré son attachement à ce processus dans une résolution du 7 février 2018. C’est au courant de l’automne 2018 que les principaux partis politiques européens existants désigneront leurs candidats têtes de liste au niveau européen. Un processus politique européen encore mal connu en France mais à suivre de très près dans les prochains mois.

    Quel est l’objet de la campagne « cette fois, je vote » ?

    Le Parlement européen en tant qu’Institution a le devoir d’informer les citoyens sur les élections européennes et de l’importance de ce vote. Face au développement sans précédent des nouveaux modes de communication et du développement de l’usage des médias sociaux, le Parlement européen fait un réel effort pour s’assurer que tout le monde ait accès à cette information.

    Cette campagne n’est pas partisane et interviendra en parallèle de celles des partis politiques européens et nationaux. Comme les élections européennes sont régies par les lois électorales nationales, elle sera décentralisée.

    Sur le plan du contenu, elle se concentrera sur le bilan du Parlement européen en tant qu’Institution et législateur et sur ce qu’il reste à adopter ou mettre en œuvre. Nous devons également prendre en compte le développement des « fake news » et être en mesure de réagir en cas de fausses nouvelles manifestes. Le thème central en sera toutefois la participation au processus démocratique par le vote.

    Notre objectif est de toucher le maximum de citoyens les plus divers possibles. Afin d’avoir un impact maximum, un effort particulier sera fait vers les segments de la population qui ont démontré un intérêt pour l’Union européenne et le Parlement européen mais qui, pour des raisons diverses, souvent techniques, s’abstiennent le jour des élections. Les jeunes (18-24 ans), dont l’abstention a été très importante en 2014 sont à cet égard un public cible. Un effort particulier sera fait à quelques mois des élections, période à laquelle les citoyens ont un intérêt grandissant.

    Sur le plan de la forme, elle utilisera tous les canaux classiques de communication (achat d’espace dans les médias, évènements, brochures…) mais aussi les médias sociaux et Internet. L’un des axes les plus innovant est d’impliquer les réseaux de personnes intéressées à soutenir la participation au processus démocratique, en utilisant les nouveaux outils numériques. Un des objectifs est d’aider les organisations ou les personnes qui connaissent le Parlement européen (par exemple parce qu’ils l’ont visité ou ont participé à l’une de ses activités) à rester informées de ce que fait le Parlement, des modalités techniques de ces élections, et de les inciter à partager cette information auprès de leurs propres contacts. Un certain nombre d’organisations de la société civile ont déjà exprimé un intérêt à s’impliquer. Et les centres d’information Europe direct ont à cet égard un rôle central à jouer.

    A cette fin, le Parlement a d’ores et déjà lancé une communauté de soutien en faveur du vote aux élections européennes de 2019. L’idée n’est pas seulement de s’engager à voter mais aussi de s’engager à convaincre le maximum de personnes de l’importance de cet acte. Cette plate-forme a été lancée lors de la rencontre des jeunes à Strasbourg début juin 2018, lors de laquelle plus de 3000 volontaires se sont d’ores et déjà engagés à promouvoir le vote aux élections européennes.

    « Cette fois je vote » n’est pas à proprement parler un slogan mais un référentiel commun pour des actions citoyennes dans le cadre de ce mouvement pour la participation. Cette phrase a pour vocation à être enrichie par les causes et valeurs auxquelles sont attachés les citoyens qui l’utilisent et se l’approprient : « Cette fois je vote pour les droits des femmes en Europe » par exemple.

    Tout le monde peut contribuer à diffuser le message autour de « Cette fois je vote », il suffit de visiter le site, de partager le lien que vous recevrez personnellement sur vos réseaux sociaux et d’encourager vos amis et collègues à le faire. Et n’oubliez pas d’ajouter les raisons pour lesquelles vous vous engagez. Au fur et à mesure des semaines et jusqu’en mai 2019, le site sera enrichi d’informations et d’évènements à partager, parfois ceux que vous organiserez.

    Cette fois, espérer un avenir meilleur ne sera pas suffisant. Cette fois nous devons prendre nos responsabilités. Car quand tout le monde vote, toute le monde gagne.

     

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